Fanny Picard : « La finance est un outil, nous pouvons décider d'en faire un bon usage »
Pionnière en France et en Europe de la finance à impact, la présidente du fonds d’investissement Alter Equity se bat depuis quinze ans pour démontrer que rentabilité et utilité sociale ne sont pas incompatibles. « En 2007, les investisseurs étaient encore convaincus que la recherche de la rentabilité ne permettait ni aux investisseurs ni aux entreprises d’être responsables. Dans une forme de dogme, ils pensaient les deux dimensions irréconciliables, opposées. Sauf exception, les dirigeants qui cherchaient à être éthiques l’exprimaient dans leur vie personnelle, par la philanthropie notamment », se rappelle la jeune quinquagénaire, ex-collaboratrice de Danone et de la banque Rothschild.
Sa volonté de rendre la finance plus vertueuse la pousse pourtant, malgré le contexte peu ouvert, à créer son propre fonds d’investissement éthique, qui mise sur des entreprises utiles aux personnes et à l’environnement. Mais il aura fallu beaucoup de patience et de ténacité pour voir enfin la finance évoluer dans son sens. « Plusieurs éléments ont contribué à faire bouger les mentalités, pointe-t-elle. La COP21 en 2015 et l’Accord de Paris font partie des étapes clés dans la prise de conscience par les dirigeants économiques des limites atteintes par notre modèle. La crise sanitaire depuis 2020 a accéléré le cheminement et déterminé des changements radicaux dans les comportements des entreprises. Parmi les éléments qui ont permis cette évolution, il me semble que la compréhension de la gravité des dérèglements climatiques est majeure. La montée du populisme alerte également les dirigeants, après les mouvements tels que celui des Gilets Jaunes, concernant les souffrances sociales et le sentiment de déclassement. Ils mesurent l’attente de l’opinion publique d’une évolution des entreprises vers des pratiques plus responsables. »
Pour rentrer au capital d’une entreprise, le fonds Alter Equity s’assure qu’elle produit un double impact positif sur la société, par son activité et par son comportement. « Elle doit ainsi former une solution à un enjeu social ou environnemental majeur, préparant à un monde futur plus responsable », résume Fanny Picard. Ses équipes accompagnent les structures retenues dans l’adaptation et la mise en œuvre de leur stratégie. « Les participations s’engagent avec nous dans une dynamique de progrès, en matière de responsabilité sociale et environnementale dans leurs pratiques de gestion, par la mise en œuvre d’un plan d’action dédié, appelé Business Plan Extra-Financier (BPEF). Un bilan carbone est dans ce cadre demandé aux participations ; nous considérons qu’il forme la première étape d’une démarche de décarbonisation. »
«La finance est mon outil de travail depuis 30ans. Nous pouvons décider d’en faire un bon usage, plaide-t-elle. Il est temps d’utiliser ce levier de façon vertueuse dans la structuration de notre vie commune pour essayer de contribuer à transformer l’économie et le capitalisme, afin de les rendre plus responsables. »