C'est une matière première et, comme toutes les autres, celle produite par InnovaFeed varie en fonction de la demande. De ce point de vue, la biotech française paraît plutôt bien embarquée… Son marché, la production de protéines à base d'insectes à destination de l'aquaculture , devrait atteindre 60 millions de tonnes par an d'ici à 2030 et une vaste majorité des spécialistes prévoit un déficit de production dans les années à venir.
Cette perspective a convaincu plusieurs investisseurs de boucler une levée de fonds de 15 millions d'euros dont le premier objectif est de permettre l'extension de sa première usine de production basée dans le Nord de la France. Le fonds d'impact Alter Equity est l'un des financeurs aux côtés de trois fonds régionaux (Finovam, IRD - Nord Creation et Siparex) et d'entrepreneurs comme Benjamin Cardoso . « La présence de ces investisseurs, notamment les fonds régionaux, témoigne de notre ancrage local, estime Bastien Oggeri, cofondateur d'Innovafeed. Ils ont compris que dans la chaîne de production en aquaculture, la valeur se situe à 60 % au niveau de l'aliment que nous produisons. »
L'alternative aux farines animales
Contrairement au marché de l'alimentation humaine, celui de la production industrielle animale est mûr pour y intégrer des produits à base d'insectes. « Avec ce type de production, nous sommes sur une boucle durable, car nous fonctionnons en circuit court en nous fournissant au plus proche de nous », précise Bastien Oggeri. Le startuppeur loue la capacité des insectes à pouvoir extraire les protéines de tout type de biomasse, comme les déchets, permettant ainsi de les réintroduire dans la chaîne alimentaire. Il a donc choisi le Hermetia Illucens, une sorte de mouche déjà connue pour sa capacité à aider au recyclage des détritus. Cette technique s'impose également comme une alternative crédible aux farines de poissons principalement pêchés en Amérique du Sud et qui nourrissent habituellement les poissons élevés en aquaculture, dont l'exploitation menace les réserves de poissons sauvages.
1.000 tonnes par an de capacité de production
Pour assurer son développement, InnovaFeed doit désormais aller vite et faire face à une concurrence grandissante, notamment en Asie. « En Europe, nous sommes quelques producteurs à être montés au créneau pour sensibiliser les décideurs sur ce mode de production et même si nous sommes concurrents, nous avons conscience des enjeux et avançons ensemble, assure Bastien Oggeri. Nous souhaitons nous inscrire aux cotés des acteurs de la filière piscicole dans une démarche commune permettant l’essor d’une aquaculture durable. » 80 % des protéines consommées sur le continent sont importées et il devient stratégique pour l'UE de rétablir rapidement un équilibre et de réglementer ce marché.
L'usine actuelle de la biotech française produit 300 tonnes par an et son extension devrait permettre d'atteindre les 1.000 tonnes d'ici au début de l'été prochain. De quoi envisager de pouvoir répondre à la demande intérieure donc, mais aussi à celle en provenance des autres continents. Le Maroc et le Nigéria se sont déjà positionnés comme des acteurs importants de l'aquaculture et augmentent rapidement leurs capacités de production, entraînant une demande très forte d'aliments pour nourrir les poissons. Une autre perspective qui devrait sans doute convaincre toute la filière de s'armer encore plus rapidement pour répondre à cette demande exponentielle.