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Fanny Picard, ex de Rothschild, Danone et Wendel, a lancé ce fonds d’investissement à impact en 2007. Elle vient de lever 110 millions pour son deuxième fonds et investit dans la start-up Murfy. Elle est l'invité du Club entrepreneurs Challenges - Grant Thornton
Challenges - Après quatorze ans chez Rothschild, Danone et Wendel, pourquoi avoir lancé votre fonds?
Fanny Picard - J’ai aligné mes valeurs et mon engagement professionnel. J’ai rencontré Alain Grandjean, un expert de l’énergie et du climat, qui m’a fait prendre conscience de la gravité des dérèglements environnementaux. J’ai créé Alter Equity, la première société de gestion française à proposer un modèle d’investissement dans des entreprises ayant un impact positif pour les personnes ou la nature.
Le démarrage a été long. Pourquoi?
Les investisseurs avaient, à l’époque, une vision très libérale, inspirée par Milton Friedman et l’Ecole de Chicago, selon laquelle le seul objectif de l’entreprise était de maximiser le profit. Pour eux, rendement et responsabilité étaient incompatibles. Puis il y a eu la crise de 2008. Et j’ai eu un enfant. J’ai commencé ce projet en 2007, et la clôture finale du premier fonds a eu lieu en 2015. Cela n’a pas été facile à vivre!
Treize ans plus tard, la finance a évolué dans votre sens…
Oui, la loi Pacte a élargi l’objet social de l’entreprise, qui doit désormais théoriquement tenir compte de ses impacts. C’est un changement de paradigme colossal. Aujourd’hui, un grand nombre d’investisseurs intègrent clairement dans leur démarche une responsabilité sociétale et environnementale.
Quel est votre ticket d’entrée?
Nous misons entre 1 et 15 millions d’euros, voire 30 millions avec des coinvestisseurs, dans des entreprises européennes qui pèsent entre 1 et 50 millions de chiffre d’affaires. Nous avons investi une trentaine de millions sur notre premier fonds. Et en début d’année, nous avons levé 110 millions pour notre deuxième fonds, ce qui nous a permis de rentrer au capital de Murfy, qui répare pour 75 euros le gros électroménager hors garantie.
Quelles sont vos exigences?
Choisir des activités utiles aux personnes et à l’environnement. Ensuite, nous exigeons un business plan extra-financier contenant de 10 à 15 indicateurs. Le respect de ce plan conditionne une partie de la rémunération du dirigeant. Et nous demandons désormais aussi aux sociétés de réaliser un bilan carbone et d’ouvrir leur capital à l’ensemble des salariés. Dans le même temps, nous visons un rendement net d’au moins 10%, afin de rémunérer nos souscripteurs, une quinzaine d’investisseurs institutionnels et une soixantaine de personnes privées. Preuve qu’il est possible d’être rentable et responsable!
Avez-vous déjà revendu certaines participations?
En 2018, nous avons cédé celle dans InnovaFeed à Creadev, le fonds des Mulliez, et Temasek, le fonds souverain de Hongkong. Cette startup élève des mouches dont les larves servent à faire des farines pour nourrir les poissons d’élevage. Et en 2019, nous avons revendu la société de maquillage bio et naturel Boho Green à Léa Nature, leader des produits de grande consommation bio en France.
Votre rêve de croissance?
Accélérer notre contribution à la transition vers une finance et une société plus responsables.